Marion Blanc

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Colonney par le Col de Monthieu

Dimanche 14 août 2016

6h. Le réveil sonne. Dur, dur. Je m’éjecte du lit pour commencer à me préparer, aujourd’hui le départ sera matinal. Il est presque 7h30 quand je suis enfin prête à partir. Je prends la route direction Flaine. Il n’y a personne, il fait beau. Une fois arrivée au parking, j’enfile mes chaussures et fait quelques étirements pour lancer la machine, mon corps est comme endolori. J’attrape mon sac et c’est parti. La rando du jour sera longue et difficile. Sur le papier en tout cas.

8h00. Je pars du village de Flaine et récupère le GR 96 pour monter en direction du col du Colonney. La cité est endormie, la nature aussi, tout est calme. L’ascension se fait par une piste large et caillouteuse qui se grimpe correctement. Je dépasse bientôt le dernier restaurant d’altitude, me fait doubler par un homme puis par un autre, et me voilà enfin complètement seule. Je me rends compte que je suis beaucoup plus seule qu’à Paris — ça fait maintenant 10 jours que je n’ai pas passé du temps avec quelqu’un, mis à part quelques banalités en croisant des randonneurs — et pourtant je ne me suis jamais sentie aussi peu esseulée. La solitude parisienne au milieu de la foule est insupportable.

Une fois passé le départ d’un tire-fesse, la pente est beaucoup plus marquée. Je suis toujours les traces de ce GR sans balisage [une variante du GR 96 ?].

La montée n’est pas extrêmement intéressante mais elle me permet d’admirer les premiers lapiaz, les Grandes Platières depuis un nouvel angle de vue et l’Aup de Véran que je n’avais jamais remarqué. Le soleil tape fort, il n’est que 9h30 et pourtant je crève déjà de chaud.

Une fois arrivée au Col de Monthieu, j’ai avalé plus de la moitié du dénivelé prévu. Je bifurque sur la droite pour passer entre l’Aup et les Têtes des Lindars et du Colonney, et quitte la piste pour naviguer entre les roches du Désert de Platé. Peu de temps après, je me fais surprendre par un bouquetin capricieux, ma présence le dérange. Je lève les yeux, observe au loin ce qui m’attend et me rend compte que je suis en plein milieu d’un troupeau. Je commence à me sentir mal à l’aise car je ne veux pas les déranger, d’autant plus que j’entends des petits plus haut. J’avance le plus doucement possible. Il me faut plus d’une demi-heure pour me sortir de là et si je n’avais pas vu le bout de mon errance, j’aurais fait demi-tour pour rejoindre le Col des Lindars qui permettait d’enlever 10 minutes à la gêne que j’occasionnais. Une fois sortie de là, je pousse un soupir de soulagement..

Le plaisir reprend le dessus et je virevolte à nouveau sur les dalles de pierres, saute par dessus les fissures et crevasses, m’amuse à chercher les meilleurs prises pour grimper les blocs qui se trouvent sur mon chemin.

L’ascension est raide et j’y prends un plaisir fou ! Je danse au milieu de ce cirque de pierres et aperçois au loin deux randonneurs chevronnés, nos routes se croisent bientôt. Le tracé est un peu difficile à suivre et je perds parfois le marquage jaune. Le soleil accompagne toujours ma balade et je n’aurai pas un gramme d’ombre avant de redescendre dans la vallée.

La randonnée se transforme presque en escalade quand le marquage change et passe du jaune à des « P » majuscules noirs dans un rond blanc. Je flirte avec le vide.

Une centaine de mètres plus haut, je croise un randonneur seul qui descend ce passage abrupte. Il m’assure qu’il n’y a pas plus de dangers à le descendre qu’à le monter ; je n’en suis pas très convaincue. Il m’indique la suite du sentier car j’ai encore perdu la trace. La Tête du Colonney me fait de l’œil, elle a l’air si proche. Quelques dizaines de mètres plus tard, j’aperçois la fin de mon ascension. Le marquage a de nouveau changé et je suis des gros points rouges maintenant. J’atteins sous peu la base de la Tête ; achève les derniers mètres ; et me voilà à 2692m de bonheur.

Au sommet de la Tête du Colonney, il y a une espèce de forme triangulaire en bois et métal, je ne sais pas du tout ce que c’est censé représenter. Il est 12h45, j’ai mis 45 minutes de plus que ce qui était prévu, moins la demi-heure au milieu des bouquetins et mes 200 arrêts photo, je suppose que je suis montée dans les temps. Je suis ravie, je viens de faire mon premier 1000m de dénivelé, 1090 pour être exacte. Il est temps de manger un bout. Je ne suis pas la seule à faire ma pause déjeuner là, il y a les deux randonneurs chevronnés croisés plus bas, un homme seul, et un père avec sa fille et son gendre.

13h30. J’en ai pris plein les yeux, les nuages de la vallée remontent comme pour me dire de partir. Le spectacle est terminé, au revoir messieurs dames.

Je reprends donc ma route pour aller en direction de la Tête des Lindars. Pour m’y rendre, je dois traverser un long névé. La Tête des Lindars est toute proche de celle du Colonney, un petit passage avec échelons et câble et j’y suis déjà.

Quelques galipettes le long de la Tête et je me retrouve à nouveau dans les lapiaz qui ne sont jamais bien loin ici. Je parcours les rochers, glisse, me rétame sur un autre rocher et reprends ma route. Après ce petit rappel à l’ordre, j’arrive au Col du Colonney où une dizaine de personnes s’extasient devant un bouquetin qu’ils appellent chamois. Je traverse le troupeau, de touristes, et retrouve le GR 96.

La descente est aussi raide que la montée. Après une vingtaine de mètres le sentier rejoint le Désert de Platé et le marquage du GR disparaît, il doit être sous le grand névé. J’y vais à l’aveuglette, passe sur le névé plus bas, suis des traces de pas anciennes et retrouve le marquage sous peu. J’aide un groupe de quatre personnes à se diriger là-dedans. Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois.

Après une belle traversée des lapiaz, je retrouve la piste large et caillouteuse par laquelle je suis montée. Mes genoux me rappellent leur existence, je descends lentement.

16h passé, je retrouve le goudron et le village assez laid de Flaine. Il ne me reste plus qu’à retourner dans mes pénates après cette belle journée.


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