Boucle dans le Désert de Platé - Jour 2
[Refuge de Platé et Col de Barmerousse depuis Praz-Coutant sur 2 jours]
03 octobre 2021 :
7h30, le réveil sonne. Dur dur. Les folies d'hier soir m'ont mises la tête dans le seau. Ni une ni deux, je saute du lit pour ne pas me rendormir. J'ai pu effectivement bénéficier d'un lit grâce à l'abri hivernal du refuge qui est maintenu ouvert tout l'hiver. Une petite échelle permet d'y accéder et à ce qu'il paraît, l'hiver, la neige comble le vide et permet d'accéder directement à la porte de l'abri. Pour la modique somme de 5€ glissés dans la petite urne du CAF* j'ai pu dormir au chaud (les gardiens du refuge chauffaient en dessous) et sur un vrai matelas. Le Pérou !
Après avoir enfilé une paire de chaussures, je me dirige vers le bout du Désert de Platé pour aller admirer le lever du soleil derrière les nuages du matin. Je traverse les lapiaz tant bien que mal, gênée par les failles et les bombés du terrain.
*Club Alpin Français
Après une demi-heure d'errances, j'arrive enfin vers le bout du “Bout”. Je lève la tête et vois un duo en train de prendre le petit déjeuner. Ils sont partis vers 5h30 et vont pousser jusqu'au Passage du Dérochoir. Quel courage ! Ils finissent leur thé, nous nous saluons une dernière fois et j'ai le panorama pour moi. Je m'assois au bord de la falaise pour admirer la vue et prendre quelques images. Cette lumière qui s'élève derrière les nuages torturés est magnifique. Trois quart d'heure s'écoulent sans que je ne m'en rende compte, c'est le foehn qui me rappelle à la réalité. La météo nous avait promis ce vent aujourd'hui et le voici.
Je fais mes au revoir à la Dame blanche et retourne au refuge de Platé.
Une fois là-bas, je retrouve mes trois gars qui commencent le petit dej’ et me proposent un café. Décidément, les rencontrer aura été une vraie bénédiction !
9h45, il est temps de se séparer. Ils s'en vont vers Plaine Joux tandis que je monte en direction du Col de Barmerousse.
Après qu'ils soient partis, les trois enfants des gardiens du refuge m'aident à trouver le départ du chemin. Ils ont déjà préparé l'hiver en enlevant les panneaux d'indication. C'est donc avec grand bonheur que je prends les conseils de ces trois jeunes aventuriers, grands connaisseurs du coin et fort sympathiques.
Me voilà donc partie sur le sentier aux petits points rouges. Je sillonne entre rochers et alpages, et longe même les ruines de bergeries. Le calme est absolu si ce n'est le foehn qui fait des siennes de temps à autre. Je suis complètement seule, c'est très étrange après ces dernières heures aussi bien entourée. Je souffre un peu physiquement tout de même. Entre la courte nuit et le manque de nourriture bourrative, j'ai les guiboles qui flageolent.
Je serre les dents dans les remontées, me sers de mes mains pour grimper plus facilement et croise enfin une âme et son compagnon à quatre pattes.
Il m'annonce que je vais croiser un troupeau de randonneurs sous peu et il a raison. Un quart d'heure plus tard, je rencontre une petite quinzaine de marcheurs coriaces qui font la même boucle que moi en sens inverse mais à la journée.
Peu de temps après j'atteins enfin le Col de Barmerousse dominé par l'Aiguille de Varan et l'Aiguille Rouge. Un couple de traileurs y monte et j'ai bien envie de les suivre mais la sagesse de ma petite condition physique dominicale me retient.
Je m'abrite derrière des rochers pour me protéger du vent et manger un bout face à ces deux sommets. Les vautours sont de la partie, tout comme les bouquetins.
Après un repas peu satisfaisant (la salade de riz en conserve c'est pas fantastique), je m'attaque au gros morceau de la journée : 700m de dénivelés en descente quasiment tout droit pour rejoindre les chalets de Varan.
Ça glisse, ça roule, la caillasse fout le camp sous mes pieds la moitié du temps et la prudence est de mise. J'envie ces randonneurs que je croise et qui le font en sens inverse. Ça ondule mais franchement, le sentier irait tout droit qu'on y verrait pas la différence. Et ces chalets en contre-bas qui me narguent comme un mirage. A croire que je ne gagnerai jamais de terrain ! Heureusement il y a la vue sur le massif du Mont-Blanc pour rêver un peu et penser à autre chose. Tant bien que mal je finis tout de même par arriver au bout de cette descente infernale ; rejoins les chalets de Varan, et avec, la terre ferme. Alléluia.
Je profite de la fontaine pour faire le plein, je commence à être à sec dans ce désert de Platé qui porte bien son nom et la fin de la boucle n'a pas l'air d'être pour tout de suite. Et puis un brin de toilette ça ne ferait pas de mal puisque que... je pue.
J'emprunte un joli petit sentier qui ondule à la lisière d'une forêt. Il doit y avoir 100m de dénivelé à remonter mais ça me paraît le bout du monde.
Je prends mon courage à quatre mains et deux pieds (oui il faut bien ça) et j'avance un pas après l'autre pour rentrer à la voiture (c’est le principe, vous allez me dire).
Je tombe sur un déco de parapente (celui de Frioland apparemment, c'est affriolant) ce qui me permet de me divertir un peu et de me donner envie de voler. Pour changer.
Je ne prends plus vraiment de plaisir à marcher mais il se passe quelque chose d'étrange. J'ai l'impression de traverser un mur de fatigue. D'être dans l'effort pur et c'est assez satisfaisant. J'ai tendance à toujours m'économiser et je commence bien à me demander pourquoi. Toujours doser l'effort, maîtriser la fatigue, diluer pour tenir sur la longueur. Si ça se trouve je peux aller beaucoup plus loin et je ne le sais même pas ! Foutue sagesse. Foutue raison.
Je finis par passer un cap (mental peut-être), et même si je ne peux plus galoper comme une gazelle et que j'aimerais bien rentrer chez moi, je finis par rouvrir les yeux en quelque sorte et par retrouver mon environnement plutôt que de me noyer dans la douleur de mes cuisses.
Je finis par arriver au milieu de quelques maisons et trouve un banc avec un panneau indiquant « Ouf ! Cinq minutes de repos ». J'obéis.
Le troupeau de randonneurs que j'ai croisé vers le Col de Barmerousse passe devant moi à ce moment-là. C'est qu'ils sont en forme les anciens ! (irrévérencieux ?)
Je me reprends ma route, retrouve le torrent d'Ugine puis l'exploitation forestière traversée à l'aller. Je suis presque arrivée.
Plus que quelques pas et me voilà de retour au parking. Epuisée, comblée, perturbée.